Dina
2008
Une femme ordinaire projetée malgré elle dans la tragédie ou David contre Goliath.
« Dina a alors fait ce que les petites nations font devant la pression des plus grandes: elle a cédé. […] Dans son âme logeaient depuis longtemps l’humiliation, la rage de ne pas pouvoir se défendre, de dépendre toujours de la bonne volonté et des intérêts des autres. Dragan allait lui-même décider de son sort. Pourquoi s’y opposer ? »
Pourchassée par le plus cruel des douaniers serbes, pendant la guerre en Yougoslavie, Dina la Roumaine savait qu’elle ne pouvait pas lui échapper indéfiniment. Autour d’elle, on pariait sur le temps qu’il lui restait avant qu’il la viole ou la tue. C’est donc les yeux grands ouverts qu’elle a foncé dans son destin. Mais Dragan le Borgne ne l’a pas tuée. Pas à ce moment-là du moins. Est-ce lui qui vient de le faire aujourd’hui ? C’est la question qui traverse ce roman en forme de thriller, qui est avant tout le portrait d’une femme ordinaire acquérant malgré elle une dimension tragique. Femme dans une société patriarcale, paysanne égarée dans la ville, Roumaine aux prises avec un Serbe, coiffeuse allergique aux produits capillaires, Dina est à la fois une héroïne aux yeux de ses compatriotes, parce qu’elle tient tête au Serbe, et une victime parce que Dragan la force à vivre avec lui contre son gré. Mais elle est plus encore : le symbole d’un pays malmené qui se relève avec difficulté du joug communiste et qui cherche à se faire une place au sein des nations riches. La mort de Dina éveille chez la narratrice, son amie d’enfance, le souvenir d’autres morts, celle de Ghéorghi, l’ami promis à un brillant avenir et bêtement tué par un train, celle de sa grand-mère, occasion pour le lecteur de se familiariser avec les rites funèbres roumains, celle des villages roumains, désertés par les jeunes générations, et celle, à venir, de ses parents.